Fleur Pellerin et la novlangue des technocrates de la culture
Le langage officiel a commencé à charrier des grumeaux technocratiques au temps de Valéry Giscard d’Estaing. Désormais c’est du plâtre. Cela témoigne que l’action publique n’a que très rarement affaire à la réalité. Elle veut donner l’illusion d’en faire le tour, mais la lourdeur des formulations, leur caractère creux,convenu, sectaire s’accentuent chaque année. Dans le rapport qu’il entretient avec sa langue le Pouvoir embrasse trop de choses à la fois parce qu’il n’étreint rien ni personne. Il trahit son incapacité à sortir des schémas imposés, à enjamber le cadre pour repeindre le tableau. En d’autres termes il ne gouverne pas, il fait de la gestion.
Les brochures issues des ministères, allégées par une typo tendance et imprimées sur papier recyclé, emploient un français qui n’est décidément plus le nôtre. On peut même dire qu’il nous offense chaque jour davantage. On n’imagine pas de meilleur exemple que la note de présentation du budget de la Culture, en 50 pages aérées sur deux colonnes, qui vient de tomber en PDF dans les boîtes des journalistes. La Culture est la seule cage ministérielle où les mots devraient résonner comme des chants d’oiseaux. C’est devenu un repaire de chauves-souris. C’est l’antre du minotaure. On y dévore l’innocence du talent non subventionné, on y engloutit les budgets au nom du spectacle vivant, on y commande des travaux inutiles que n’approuveraient pas le dixième de ceux qui les financent, tout en alignant des priorités-bidons du genre :
Rappel: ce qui précède provient de ceux que l’Etat a chargés de faire rayonner la langue française.
Au fil des pages on relève cent autres exemples de ces phrases qui ne veulent rien dire et de ces grigris sémantiques dont il faudrait faire taxer certains spécimens dans les publications officielles afin de financer les pots de départ sans recourir au contribuable. Les « enjeux » commencent à nous gonfler. Les « porteurs de projet » et les « opérateurs » nous assomment. Les gens qui cherchent à « impulser un esprit » nous fatiguent. Ceux qui « adressent un signal » nous accablent. Mais le comble c’est « l’accompagnement ». Dans toute politique publique désormais c’est le mot magique, celui qui veut dire que l’on tient le coude de celui qui agit, pour se donner l’illusion de faire soi-même quelque chose.
L’accompagnement, c’est le contraire du gouvernement. C’est donc devenu une priorité aujourd’hui.
Christian Combaz
3/10/2014
Source : Figaro vox.fr
http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2014/10/03/31001-20141003ARTFIG00361-fleur-pellerin-et-la-novlangue-des-technocrates-de-la-culture.php#auteur
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